Une inscription chrétienne dans l’ancienne basilique-cathédrale de Carthage

Cathédrale primatiale de Carthage : autel de saint Augustin avec l’inscription paléochrétienne (photo 1964)
Détail de l’inscription…l’autel est déjà démonté (1964 année de l’abandon de la cathédrale)

Cette inscription fut probablement trouvée par le P. Delattre. Les publications du P. Delattre ne disent pas sa provenance (peut être trouvée dans la basilique Damous el Karita?). En tout cas cette inscription faisait partie d’abord des inscriptions qui décoraient le mur d’enceinte du musée et du séminaire des Pères Blancs. Mais en 1906 elle fait déjà partie du musée Lavigerie. Elle se trouvait dans l’ancienne salle romaine du musée dont l’archéologie chrétienne formait un groupe très important. Plus tard encore, mais nous ignorons pour l’instant la date, cette pierre a été déplacée vers la basilique cathédrale pour accompagner le décor de l’autel saint Augustin (du coté gauche de l’autel majeur, en face de l’autel de Notre Dame de Carthage). Elle y est restée jusqu’en 1964.
Probablement elle soit maintenant dans les réserves du musée de Carthage.

Il s’agit d’une longue pierre grise, linteau de porte sur laquelle se trouve une inscription en deux lignes avec au centre un monogramme peinte en rouge. La croix grecque se trouve à l’intérieur de deux cercles et dans ses bras sont distribuées les initiales d’une acclamation chrétienne: AV – SC – NL. L’un de confrères du P. Delattre, le P. Muller de l’Unyanyembé, s’inspirant des sigles analogues de la médaille de saint Benoît, a cru pouvoir interpréter comme : AVE, SANCTA CRVX, NOSTRA LVXSALUT, O SAINTE CROIX, NOTRE LUMIERE.
La croix est accompagnée d’un verset du psaume 85: « Foc nobiscum, Domine, signum… ut videant qui me oderunt et confundantur ». Qui se traduit : « Opérez, Seigneur, un signe en notre faveur, afin que ceux qui m’ont haï le voient et soient confondus ». Même s’il est vrai qu’une telle invocation monogrammatique n’est pas habituelle à Carthage, on pourrait penser que le verset du psaume explique le sens d’une telle invocation. Le signe opéré par Dieu est justement le salut par la croix et la résurrection du Christ qui est la lumière des hommes. Saint Augustin, dans un sermon à Carthage, disait en commentant ce psaume:
« « Donnez-moi un signe de votre faveur». Quel signe, sinon celui de la résurrection? Le Seigneur a dit: « Cette génération dépravée et rebelle demande un signe, et il ne lui sera donné aucun anti-signe que celui du prophète Jonas. De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’Homme sera trois jours dans le sein de la terre». Donc ce signe de faveur s’est accompli dans notre chef ; mais que chacun de nous s’écrie: « Donnez-moi un signe de votre faveur » ; car nous devons, nous aussi, être changés, quand au son de la dernière trompette, à l’avènement du Seigneur, les morts ressusciteront pour être incorruptibles. Tel sera le signe de la faveur divine. « Donnez-moi un signe de votre faveur, afin que mes ennemis le voient et en soient confondus». Au jugement ils éprouveront une confusion funeste, ceux qui n’ont pas voulu d’une confusion salutaire. Qu’ils soient donc confondus dès cette vie, qu’ils répudient leurs voies coupables pour marcher dans la voie de la sainteté: car nul d’entre nous ne peut vivre sans confusion, à moins qu’une première confusion ne le fasse renaître. Dieu leur offre maintenant l’occasion d’une confusion salutaire, s’ils ne dédaignent point le remède de l’aveu […] ».

Par la paléographie et les caractéristiques de l’inscription nous pouvons proposer de la dater de la fin du Ve et début VIe siècle. (S’agit-il, peut-être, d’une inscription évoquant un souhait de libération de l’oppression vandale sur les chrétiens catholiques carthaginois? Difficile de le dire étant donné que nous ignorons le contexte archéologique de la découverte qui n’a pas été précisé non plus par le P. Delattre).

Merci à L. Ennabli qui nous a fourni l’une des sources pour la description du verset biblique: « Musée Lavigerie. Catalogue sommaire avec illustrations et un plan de Carthage, Alger, 57-58. On peut également consulter: Delattre L. Un pèlerinage aux ruines de Carthage et au musée Lavigerie, Lyon, 1906, 49-50.
Les photos proviennent des archives des pères blancs à Romme et sont ici reproduites grâce à leur autorisation.
La mosaïque dans l’actualité (photo 2019)
Plus de traces de la colonne, de l’autel et de l’inscription paléochrétienne.

P. Silvio Moreno, IVE

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