BASILIQUE DE SAINT CYPRIEN AU BORD DE LA MER
Sur le plateau de Borj Djedid a été dégagée la basilique dite de la mémoire de Saint Cyprien. Cette vaste construction a été retrouvée en 1915 par le P. Delattre et identifiée à la basilique de Saint Cyprien grâce à un texte de Saint Augustin qui la situait « en avant de la ville, près de la mer ».
Constitué de sept nefs, le monument était entouré d’un vaste cimetière. L’implantation de l’Eglise est perpendiculaire au rivage, et on remarquera que l’abside est au N.-O., face à la mer. Cette occidentalisation, qui est particulièrement fréquente en Byzacène, se retrouve souvent à Carthage. Pour cette raison, le monument est un de ceux que l’on cite quand on veut expliquer l’expression de St. Augustin « conversi ad Dominum, oremus » : à certains moments de l’action liturgique, les fidèles se retourneraient vers la façade pour regarder le Seigneur (c’est-à-dire l’Est). La façade d’accès au bâtiment se trouvait à proximité du ravin donnant sur la mer, sur un site dédié vraisemblablement depuis longtemps à la sécurité des marins. On suppose que le corps de Saint Cyprien y fut vénéré. Ce qui expliquerait une longue utilisation du bâtiment à partir de la fin du IVe siècle, y compris durant l’époque vandale. En effet, les épitaphes qui ont été découverts dans l’Eglise, s’échelonnent entre la fin du IVe siècle et l’époque byzantine.
Un très beau texte du pape émérite Benoît XVI sur l’évêque de Carthage peut aider notre médiation en visitant cette basilique : « …Dans ces circonstances réellement difficiles, Cyprien révéla de grands talents pour gouverner: il fut sévère, mais non inflexible avec les lapsi, leur accordant la possibilité du pardon après une pénitence exemplaire; il fut ferme envers Rome pour défendre les saines traditions de l’Eglise africaine; il se démontra très humain et empli de l’esprit évangélique le plus authentique en exhortant les chrétiens à apporter une aide fraternelle aux païens durant la peste; il sut garder une juste mesure en rappelant aux fidèles – qui craignaient trop de perdre la vie et leurs biens terrestres – que pour eux la véritable vie et les véritables biens ne sont pas ceux de ce monde; il fut inébranlable dans sa lutte contre les moeurs corrompus et les péchés qui dévastaient la vie morale, en particulier l’avarice. « Il passait ainsi ses journées », raconte alors le diacre Pontius, « lorsque voilà que – sur ordre du proconsul – le chef de la police arriva à l’improviste dans sa villa » (Vie 15, 1). Le jour même, le Saint Evêque fut arrêté et, après un bref interrogatoire, il affronta avec courage le martyre entouré de son peuple. (Audience générale mercredi 6 juin 2007).
Ici, mais dans un édifice antérieur, Sainte Monique, mère de Saint Augustin, aurait passé la nuit précédant le départ de son fils pour l’Italie : « …Mais pourquoi sortir d’ici et aller là vous le saviez, mon Dieu, sans m’en instruire, sans en instruire ma mère, à qui mon départ déchira l’âme, et qui me suivit jusqu’à la mer. Elle s’attachait à moi avec force, pour me retenir ou pour me suivre; et je la trompai, ne témoignant d’autre dessein que celui d’accompagner un ami prêt à faire voile au premier vent favorable. Et je mentis à ma mère, et à quelle mère! Et je pris la fuite… Et comme elle refusait de s’en retourner sans moi, je la persuadai, non sans peine, de passer la nuit dans un monument dédié à Saint Cyprien, non loin du vaisseau. Cette même nuit, je partis à la dérobée, et elle demeura à prier et à pleurer, et que vous demandait-elle, mon Dieu, avec tant de larmes? De ne pas permettre mon voyage ? Mais vous, dans la hauteur de vos conseils, touchant au ressort le plus vif de ses désirs, vous n’avez tenu compte de sa prière d’un jour, pour faire de moi selon sa prière de chaque jour ». (Les confessions de St. Agustin, L. V, chapitre VIII.)
Les larmes de Monique dans les confessions de Saint Augustin: « …Ensuite il (l’évêque) raconta que tout enfant, avait été livré aux Manichéens par sa mère qu’ils avaient séduite; qu’il avait non-seulement lu, mais transcrit de sa main presque tous leurs ouvrages, et que sans dispute, sans lutte d’arguments, il avait vu tout à coup combien cette secte était à fuir; il l’avait fuie. Comme ma mère, loin de se rendre à ses paroles, le pressait d’instances et de larmes nouvelles, pour qu’il me vît et discutât contre moi : — « Allez, lui dit-il avec une certaine impatience, laissez-moi, et vivez toujours ainsi. Il est impossible que l’enfant de telles larmes périsse.» — Ma mère, dans nos entretiens, rappelait souvent qu’elle avait reçu cette réponse comme une voix sortie du ciel ».(Saint Augustin, Confessions, L.III, chapitre XII