BASILIQUE DE DAMOUS EL-KARITA
A Damous el-Karita, à 150 m de l’enceinte, au nord d’une des portes de la ville antique, appelée actuellement Bad el Rih (aujourd’hui du côté gauche de la mosquée El Abidine), se développe un des plus grands ensembles funéraires de la Carthage Chrétienne. Il s’agit du premier monument chrétien découvert à Carthage. Les fouilles ont débuté dès 1878 par le P. Delattre et ont suscité un immense intérêt. Le Père Delattre nous dit : « En 1878, un habitant de Sidi-Bou-Said vint un jour me chercher pour aller soigner au village un indigène qui venait d’être à demi-écrasé par la chute d’un mur. Il m’amenait une monture que j’enfourchais aussitôt après avoir pris quelques remèdes, et on se mit en route… Arrivé à 250 pas au-delà des anciens remparts, et traversant le terrain de Damus el-Karita, dont j’ignorais alors le nom, je fus abordé par des bergers arabes qui me présentèrent quelques vieilles monnaies oxydées et sans valeur, que je refusai d’acheter. Mais à peine avais-je avancé de quelques pas que j’aperçus à travers les herbes, un morceau de marbre, portant quelques lettres. Je priai l’Arabe qui me suivait de la ramasser et j’y lus : EUGE. C’était de bon augure.
Les bergers arabes revinrent aussitôt vers moi et me dirent : « Tu aimes les pierres écrites ». Comme je leur répondais que ce petit marbre valait mieux que toutes leurs vilaines pièces, et qu’en effet, j’aimais les pierres écrites, il me dirent : « si tu en veux, nous t’en trouverons autant que tu voudras, car le champ en est rempli ». « Très bien, leur dis-je, cherchez et quand je descendrai de Sidi-Bou-Said, je vous achèterai tout ce que vous aurez trouvé ». Deux heures plus tard, après avoir pansé mon blessé, je descendais du village et traversais de nouveau le terrain de Damus el-Karita. Les bergers arabes m’attendaient. Ils avaient déjà trouvé quatorze morceaux d’inscriptions qui étaient tous des fragments d’épitaphes chrétiennes. Je les récompensai et les engageai à continuer leurs recherches. Le soir, ils m’en apportaient encore autant, et ils continuèrent ainsi pendant plusieurs semaines…».
Ce fut en effet, la première Église chrétienne découverte à Carthage. L’origine de ce complexe a dû être un cimetière privé sur les terres d’une famille qui possédait là une villa attestée par une mosaïque de sol représentant une femme à sa toilette. De pieuses personnes de la fin du XIXe siècle voulaient y reconnaître Sainte Perpétue ! Les recherches intensives qui ont eu lieu afin de trouver tombeaux et inscriptions paléochrétiennes ont dépouillé le monument et les vestiges sont vraiment impressionnants. Fort heureusement, des documents antérieurs ont permis d’identifier les trois diverses phases du bâtiment, dont la date de construction généralement admise est la fin du IVe siècle.
Première basilique : dans sa première configuration, la basilique est immense (65x45m). Son abside sud-ouest était décorée d’une mosaïque de sol avec des fleurs aux couleurs vives, qui aujourd’hui a complètement disparue. Au nord-est, l’Eglise s’ouvre sur un atrium semi-circulaire terminé par un trichore. L’atrium était, comme l’Eglise, rempli de tombes, et le trichore devait être un emplacement privilégié pour des tombeaux de saints hommes ou de martyres. Le « quadratum populi », immense halle soutenue par huit rangées de dix colonnes, comprenait donc neuf nefs et onze travées. Dans la partie sud-ouest, derrière l’abside avec laquelle elle communique, une salle hypostyle abritait un baptistère hexagonal. La cuve, très endommagée, en est accessible par deux escaliers de trois marches. Dans l’angle sud-ouest de la grande salle s’ouvrait une petite chapelle pour les rites post-baptismaux : onction, signation, et imposition des mains.
Deuxième basilique : l’abside de l’édifice reconstruit est peu profonde. Elle se situe au sud-est. Les chapiteaux et les colonnes étaient en marbre gris datés de la « basse époque », ce qui confirme la chronologie relative de l’Eglise. En effet, comme on peut le constater à Carthage, le changement d’orientation de l’abside vers l’Est s’effectue à l’époque byzantine. L’église se présentait, dans ce second état, comme une basilique à onze nefs et neuf travées. L’entrée se faisait sur le coté nord-ouest, le long de la route qui menait de Megara (la Marsa) à la porte de la ville à laquelle aboutissait le « cardo maximus » (rue principale).
Troisième basilique : dans une troisième phase, le bâtiment a toujours l’abside au sud-est, mais plus avancée vers le nord-ouest ; ce qui rétrécit de ce fait la longueur de la nef principale. Une constatation qui étonne : à cette dernière période, l’édifice n’a plus que trois nefs et cinq travées uniquement.
La Rotonda : à proximité des vestiges de cette basilique, on peut observer un monument circulaire en partie souterrain dont certains archéologues estiment qu’il était destiné à honorer les martyrs. Pour d’autres, à la suite du P. Delattre, il s’agit d’un baptistère. Mais rien ne permet pour l’instant de le rapporter au rite baptismal ainsi que le voulaient le P. Delattre et autres (n’oublions pas que l’ensemble de Damous el- Karita a déjà un baptistère) ou à un culte funéraire (aucun tombeau n’a été retrouvé).
Une découverte intéressante : « Parmi les caveaux funéraires chrétiens rencontrés dans nos dernières fouilles, raconte le Père Delattre, il en est un qui mérite d’être décrit avec détails” (voir photo ci-dessous). A l’angle extérieur ouest de la basilique de Damous el- Karita, fut découverte une intéressante cella funéraire avec arcosolia. Cet hypogée est une chambre rectangulaire, voûtée, longue de 3m 33, large de 2m 57. Sa hauteur est de 3m 18. La voûte est percée d’une baie ou sorte de trappe permettant l’accès de la chambre au moyen d’un escalier. En descendant dans ce caveau, on a d’abord devant les yeux une niche dans laquelle un homme de moyenne taille peut se tenir debout. A partir de cette niche, les degrés de l’escalier changent de direction et conduisent au fond de la cella qui est pavée d’une mosaïque simple en cubes de marbre blanc. Ce qui caractérise cette chambre funéraire, ce sont les arcosolia. Il y en a un sous l’escalier, un dans chaque paroi latérale et deux placés l’un au-dessus de l’autre vis-à-vis de l’escalier qui est appliqué au mur. Ces cinq arcosolia ont abrité des sépultures. Chaque tombe était constituée par une dalle longitudinale encastrée en avant de l’arcosolium. Une autre dalle horizontale servait de couvercle. Ces dalles ont disparu, mais la place de leur encastrement se voit encore. Sous l’arcosolium que surmonte l’escalier, il y avait deux tombes superposées. L’inférieure renfermait deux corps. Il en était de même sous l’arcosolium situé vis-à-vis. Outre les corps qui reposaient sous les arcosolia, deux autres ont été inhumés dans le sol même de la chambre. Les fosses, de forme régulière, ont été creusées à travers la mosaïque.
Basilique de Faustus ?
Devant l’immensité de cette basilique, surgit l’image de celle de Faustus, « basilica Fausti ». Les rubriques en tête de plusieurs de ses sermons montrent qu’Augustin a prêché dans cette basilique. Les conciles de 418, 419, 421 et 535 y ont eu lieu. C’est également ici que l’évêque Deogratias a recueilli en 435 une bonne partie des prisonniers ramenés de Rome par Genséric (plusieurs milliers, parmi lesquels la veuve de Valentinien III, l’impératrice Eudoxie, ainsi que ses filles). L’ensemble de Damous el-Karita serait-il donc la « Basilica Fausti » dont les textes parlent abondamment? Ces deux édifices auraient ceci en commun qu’ils sont très larges, qu’ils ont été sanctifiés par les corps de nombreux martyrs, et que tous deux abritaient un baptistère.
Puisque c’est dans cette basilique que le P. Delattre a trouvé l’unique représentation en marbre de la Vierge Marie avec l’enfant Jésus et l’adoration des mages qui nous est parvenue jusqu’à nos jours, et puisque c’est ici qu’il a toujours prié les litanies de Saints d’Afrique du Nord, je vous propose aussi de prier notre Dame de Carthage et chanter les litanies des Saints d’Afrique du Nord en mémoire de tous ceux qui ont sanctifié avec leur sang et leurs paroles cette terre nord-africaine.
PRIÈRE A NOTRE DAME DE CARTHAGE
Invocations africaines à la Sainte Vierge
Sainte Marie, secourez-nous
O Mère de Dieu, souvenez-vous de nos prières.
O Mère de Dieu, protégez-nous.
Mère de Dieu, o Marie, protégez vos serviteurs.
Notre-Dame de Carthage, priez pour nous.
Sainte Marie, Reine de l’Afrique, priez pour nous.
LITANIE DES SAINTS D’AFRIQUE DU NORD
Seigneur, prends pitié
O Christ, prends pitié
Seigneur, prends pitié
Notre Dame de Carthage
Saint Joseph
Saints Apôtres et Evangélistes
Tous les saints et saintes d’Afrique, spécialement en Tunisie
A Carthage : Saint Cyprien, Saintes Perpetue et Felicité, Saints Augustin et Alypius, Sainte Monique, Saint Fulgence de Ruspe, Saint Agilée, Saint Cecilius, Saint Deogratias, Saint Hyppolyte, Saint Eugène, Sainte Generosa, Sainte Julia, Saint Marcelin, Saint Optat, Saintes Paula et Restituta
A Utique : Saint Victor, les 300 Saints martyrs (Massa candida)
A Medjez el Bab : Saints Martyrs d’Abitina
A Tebourba: Saintes Maxima et Secunda
A Thuburbo: Sainte Donatilla et Maxima
A Sousse: Saint Félix et ses compagnons, Sainte Marcienne et Sainte Thècle,
A Gafsa : 6 moines et Maximus, un enfant
Les six invocations africaines ci-dessus, sauf les deux dernières, sont la traduction de textes grecs, latins, arabes, trouvés dans le sol, pendant les excavations. Chacune de ces invocations à la Sainte Vierge, a été enrichie d’une indulgence de cent jours par S.E. Mgr Lemaitre, Archevêque de Carthage.