LA MOSAÏQUE DE VIRGILE ET LES MUSES

LA MOSAÏQUE DE VIRGILE ET LES MUSES

L’art de la mosaïque[1] 

Le mot mosaïque vient d’une déformation dans la transcription latine du mot grec «moysa» ou «mousa», autrement dit muse, semi-divinité inspiratrice de l’art. Utilisée par les Grecs, la mosaïque se développe dans le monde romain au point d’y devenir un art décoratif majeur, très prisé des élites qui s’en servent pour décorer leurs demeures. Faire une mosaïque consiste à assembler et à coller de petits cubes (tessellae en latin) de pierre ou de marbre en vue de former des motifs sur les sols, les murs ou les plafonds. Les thèmes choisis sont souvent liés au rôle de la pièce dans laquelle ils sont représentés : ainsi, des motifs à caractère maritime ornent souvent les pièces consacrées au bain.

Les Muses 

Après sa victoire contre les Titans, Zeus, désireux d’effacer toute trace de violence, voulut créer une troupe d’artistes capables de distraire et de charmer les Olympiens. Mais où les trouver? Le maître des dieux jugea que le mieux était encore de les créer lui-même. Il alla rejoindre Mnémosyne, fille de la Terre et du Ciel (Gaia et Ouranos), et s’unit à elle neuf nuits de suite. De ces neuf nuits d’amour allaient naître les neuf Muses. Nées de la déesse de la mémoire et du dieu de la puissance créatrice, les Muses symbolisent les arts et chacune se voit attribuer une spécialité : – A Calliope, l’éloquence, – A Clio, l’histoire, – A Erato, la poésie, – A Euterpe, la musique, – A Melpomène, la tragédie, – A Polymnie, le mime, – A Terpsychore, la danse, – A Thalie, la comédie, – A Uranie, l’astronomie (qui chez les Grecs était considérée comme un art en relation avec l’harmonie de l’univers). Les Muses partageaient leur temps entre l’Olympe, où elles chantaient aux dieux leurs exploits, le mont Hélicon, où coulait une source qui donnait leur inspiration aux poètes, et le mont Parnasse, qui s’élève au-dessus du sanctuaire de Delphes et où elles rejoignaient Apollon. Leur beauté et leurs dons artistiques séduisaient dieux et mortels. Melpomène, mariée au dieu-fleuve Achleloos, mit au monde les Sirènes, dont la voix enchanteresse causait la perte des marins qui se noyaient pour les rejoindre au fond des mers. Il faut retenir cette histoire au moment de contempler la mosaïque d’Ulysse.  Depuis l’Antiquité, les Muses n’ont pas cessé, à travers le temps, d’être le symbole de l’inspiration des poètes.

Virgile (-70/-19)

Est un poète et écrivain latin. Protégé et financé par Mécène, un proche de l’empereur Auguste, il peut consacrer sa vie à l’écriture. Auteur des Bucoliques et des Géorgiques, son œuvre majeure est l’Enéide qui lui valut le titre d’ « autre Homère », bien qu’elle restât inachevée à sa mort en 19 av. J.-C.

La mosaïque de Virgile

Eneide_petitecollection_DianedeSelliersEditeurLa mosaïque de «Virgile» a été découverte sur le site d’Hadrumète (l’actuelle Sousse en Tunisie), une cité portuaire au sud de Carthage. Réalisée par un artiste inconnu du début du IIIème siècle, elle se trouvait dans une riche maison romaine. La mosaïque représente un homme assis, portant la toge du citoyen romain, entouré de deux muses. On a identifié cet homme à Virgile car il tient dans sa main un livre sur lequel figure le vers 8 de l’Enéide : «Muse, rappelle-moi pour quelle cause, pour quelle offense à sa volonté…». Avec l’Enéide, Virgile entend offrir à Rome une épopée sur le modèle prestigieux de l’Iliade et de l’Odyssée d’Homère, en retraçant les origines de la ville. Enée, après avoir échappé à la mort lors de la prise de Troie par les Grecs et être passé par Carthage, réussit à gagner l’Italie. Selon Virgile, ce Troyen sans patrie aurait établi dans le Latium son propre royaume, qui serait à l’origine de la cité de Rome. Cet ouvrage, qui permet de relier la mythologie grecque avec les débuts de Rome, rencontre un grand succès dans le monde romain. Dans l’Enéide en plus, Didon – la reine mythique de Carthage – et Enée deviennent amants, mais Enée doit partir et Didon se suicide. Cette œuvre commandée par un Romain d’Afrique se trouve à Hadrumète, près de Carthage : le thème choisi est donc certainement lié au lieu. Cette riche mosaïque permet ainsi d’apprécier l’enracinement de la culture latine dans les provinces, et notamment en Afrique.

Les Muses: Virgile est entouré de deux muses Calliope et Melpomène, qui paraissent lui dicter son récit. Toutes les deux sont filles de Zeus et de Mnémosyne, la déesse de la mémoire, et chacune a ses propres attributs. Calliope, muse de la poésie épique, lit un manuscrit. Elle porte sans doute une couronne d’or qui est l’un de ses attributs tout comme le livre ouvert. Melpomène, muse de la tragédie, a un air grave. Elle porte des vêtements riches et tient un masque de tragédie.

Pour approfondir dans la littérature chrétienne: « La divine Comédie et Virgile »  

Dans le début des années 1300, Dante entreprend la Commedia (qui devient la Divine Comédie en 1555) qui est dédiée à Virgile. C’est son chef-d’œuvre et il y travaillera jusqu’en 1321. L’ouvrage est rédigé en toscan, ce langage local qui deviendra « l’italien ». L’œuvre comporte trois parties divisées chacune en trente-trois chants. Dante écrit d’abord « l’Enfer », vers 1307. Il ajoute « le Purgatoire » vers 1316 et achève enfin le livre avec « le Paradis » en 1321, juste avant sa mort. La « Commédia » relate le voyage imaginaire que Dante entreprend pour rejoindre Béatrice, la femme qu’il aimait et qui est morte en 1290. Le livre commence par son voyage à l’enfer guidé par son maître Virgile. Après Virgile, symbole de la droite raison humaine, Béatrice conduit Dante du paradis terrestre au dernier cercle du paradis céleste, est appelée à figurer la vérité surnaturelle révélée par l’Esprit Saint, c’est-à-dire l’objet même de la foi, et, sans doute aussi, l’autorité de l’Église instituée par Dieu comme gardienne de l’ordre spirituel en ce monde. Dans sa vision finale, le poète contemple Dieu dans toute sa puissance, guidé cette fois par saint Bernard de Clairvaux. L’histoire, dont le modèle était l’Énéide de Virgile est, en fait, philosophique et théologique: Dante accomplit un voyage qui le conduit de la connaissance du mal à l’acquisition du souverain bien, à savoir la vision de Dieu. Le poème s’acheminant vers une fin heureuse, finissant dans l’allégresse mystique, mérita de ce fait le titre premier de «Comedia»[2]Le poète se met en route le 8 avril de l’an 1300, jour du Vendredi Saint, et il se trouve égaré dans une vallée profonde où il est menacé par trois bêtes féroces. Alors paraît Virgile qui vient l’aider[3].

— « Homme je ne le suis, car j’ai cessé de l’être, » 

Répondit-il ; « Mantoue autrefois m’a vu naître,

De parents mantouans et lombards comme moi.

Je naquis sous César, avant sa tyrannie,

Et Rome sous Auguste a vu couler ma vie

Dans le temps où régnaient les dieux faux et sans foi.

 Poète, j’ai chanté ce pieux fils d’Anchise,

Venu de Troie après que la ville fut prise

Et de ses fiers remparts vit s’écrouler l’honneur.

 « Tu serais, » répondis-je en inclinant la tête,

« Se peut-il? Tu serais Virgile, ce poète

Qui répand l’harmonie à si larges torrents?

O toi, gloire et flambeau des chantres de la terre,

Compte-moi cet amour et cette étude austère

Qui m’ont tenu courbé sur tes vers si longtemps !


[1] Cf. http://museclio.over-blog.com/article-la-mosaique-de-virgile-67286106.html

[2] Cf. DURAND, André, La Divine Comédie, en www.comptoirlitteraire.com 

[3] Cf. PREVOST, Jacques Henri, Petit manuel d’Humanité, en cahier 3, La Divine Comédie de Dante.

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