Le nom de cette salle peut être comprit, en référence au grand empereur romain qui, par l’édit de Milan en avril 313 reconnut officiellement l’existence d’un christianisme jusqu’alors interdit et persécuté dans l’empire. La salle expose en effet des mosaïques chrétiennes et des œuvres chrétiennes réalisées juste après cette reconnaissance officielle.
-La mosaïque de Daniel dans la fosse aux lions
Dès le début de notre parcours nous nous retrouvons devant une immense mosaïque représentant Daniel dans la fosse aux lions. Ce thème biblique est très populaire et a été traité dès l’origine du christianisme par les peintres des Catacombes[1].
Cette mosaïque provient d’un mausolée trouvé dans le site «Furnos Minus» en Tunisie. Le site de Furnos Minus était autrefois bien connu puisque les voyageurs qui empruntaient la grande route de Medjez el Bab vers Beja et Jendouba, ou vers Teboursouk et le Kef, le traversaient à une trentaine de kilomètres de Tunis. Le village moderne a repris le nom de Furna ou Furni, mais l’essentiel des ruines se plaçaient sur les collines qui ferment au Nord le bassin de l’Oued Chafrou, autour de deux centres distants d’environ 500 m et qu’on appelle traditionnellement d’Hr Msaadine («Les bienheureux»), nom du domaine lui-même, et le Bordj el Iouhdi («Demeure du Juif»). Les ruines chrétiennes étaient très importantes: il s’agissait donc de deux ou trois basiliques chrétiennes, d’un mausolée et de plusieurs tombes couvertes de mosaïque, fouillées pour l’essentiel en trois fois: 1898, 1938 et 1953 par Gauckler, Duval et autres[2]. Aujourd’hui les ruines ont disparu presque complètement.
Le mausolée de Blossius ou Blossus : Le monument a été découvert en février 1898 dans le même site de Furnos Minus. En 1901, la mosaïque du milieu, Daniel dans la fosse aux lions, a été enlevée et transportée au Bardo ainsi que l’épitaphe de Rutunda. La mosaïque est actuellement exposée dans la salle chrétienne du rez de chaussée. Par rapport à la description de cet important mausolée, Noël Duval dit : « La description du caveau a été faite à plusieurs reprises par Gauckler. Le sol se situait à 2 m 50 de profondeur (par rapport au niveau actuel) et l’édifice était déjà souterrain dans l’Antiquité. Les murs en blocage mesurant, étaient conservés jusqu’à la naissance de la voûte. Celle-ci devait être une voûte d’arêtes. Dans les murs étaient creusés des arcosolia recouvrant des cuves maçonnées, hautes de 60 cm. Six, dans les parois autres que celle de l’entrée, étaient destinés à des adultes. De chaque côté de l’entrée, deux plus petits devaient être réservés à des enfants. Les tombes étaient toutes, sauf une, recouvertes de mosaïques et formaient des caissons analogues à ceux que l’on a déjà signalés à Carthage et à Tabarka; elles portaient chacune une épitaphe, entourée d’attributs et de symboles chrétiens, mais elles ont été violées dès l’antiquité et ne conservent plus que de faibles débris de leur revêtement, qui n’a pas été autrement décrit. Des mausolées construits ou creusés et voûtés ne sont pas tellement fréquents dans les nécropoles chrétiennes d’Afrique. Il en existe dans les annexes de Damous el Karita à Carthage. Il faut nettement distinguer ces mausolées rectangulaires des chapelles funéraires comme celles de Carthage»[3].
Reconstruction du mausolée avec la mosaïque de Daniel d’après Gauckler
Sa signification pour l’art chrétien : Daniel est pour les juifs et les chrétiens un prophète. Dans les saintes écritures de l’Eglise Catholique (la bible), Daniel est classé parmi les Prophètes, après Ezéchiel. Cette mosaïque est de profonde inspiration biblique, parce qu’elle interprète, en effet, le chapitre 6, verset 12 à 26 du livre de Daniel, où il se retrouve dans la fosse aux lions pour avoir prié son Dieu alors qu’il y avait l’interdiction de le faire. Cependant Dieu ferme la gueule des lions… «Mon Dieu, dit Daniel, a envoyé son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m’ont fait aucun mal, parce que j’ai été trouvé innocent devant lui ; et devant toi non plus, ô roi, je n’ai rien fait de mauvais. Alors le roi fut très joyeux, et il ordonna qu’on fît sortir Daniel de la fosse. Daniel fut retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu’il avait eu confiance en Dieu» (Dn 6, 22).
Cette image avait pour les chrétiens des premiers siècles, qui malgré la reconnaissance officielle de leur foi, vivaient dans un monde païen et hostile à la foi chrétienne, une valeur morale et spirituelle très forte lors des difficultés et éventuelles persécutions, et surtout un signe de confiance en Dieu qui protège et sauve à qui l’invoque. La puissance de Dieu était pour les chrétiens, motif d’espérance. «Désormais il n’est plus question de rétribution seulement en cette vie. L’annonce de la résurrection de la chair, dans le livre de Daniel, s’accompagne d’une rétribution extra-temporelle. Ceux qui auront été fidèles à Dieu trouveront la vie éternelle; les autres «s’éveilleront pour l’horreur éternelle» (Dn 12, 2)[4].
[1] Cf. DHEILLY, J, Dictionnaire Biblique. En voix « Daniel ». Belge, 1964, p. 252-254.
[2] Cf. DUVAL, Noël et CINTAS, Marcel, VI. Basiliques et mosaïques funéraires de Furnos Minus. In: Mélanges de l’Ecole française de Rome. Antiquité T. 90, N°2. 1978. pp. 871-950.
[3] Cf. DUVAL et CINTAS, op. cit. p. 909.
[4] Cf. DHEILL,Y, op. cit. p. 254.