Description
Ce moule d’hostie pour le pain eucharistique, possède un diamètre de 150cm environ et une épaisseur ne dépassant pas 1cm. Il représente un cerf de Berberie derrière un arbre, encadré, à gauche d’une grappe de raisin et à droite d’une plainte céréale (blé), le tout entouré d’une inscription circulaire sortant de la bouche du cerf et citant Jésus-Christ dans l’evangile de Saint Jean (6, 51) : « +Ego sum Panis Vivus qui de celo descendi » (Je suis le Pain Vivant descendu du Ciel).
Origine
Ce beau souvenir, de l’archéologie chrétienne, est un moule d’hostie de messe au temps de Saint Augustin (Vème siècle environ). Ce moule est en terre cuite et fut découvert en Tunisie en 1920 dans les ruines d’une église près de Jebiniana (32 km au nord-Est de Sfax – le site actuel s’appelle Younga, mais aujourd’hui on n’y trouve pas de ruines). Il a été offert au musée du Bardo, à Tunis où il est en exposition permanente. Ce moule comportait une poignée permettant son utilisation répétée sur une pate préparé à l’avance, comme un gros cachet laissant son empreinte et sa découpe. Il fut notamment remarqué par Jean Tommy-Martin (père du Père Dominique Tommy-Martin, prêtre diocésain à Tunis), passionné d’antiquité chrétienne, qui contribua dès avant la guerre à en diffuser le moulage en plâtre, spécialement dans sa famille et auprès de ses amis. Le célèbre médailleur Arthus Bertrand (Paris) en a acquis le modèle et en effectue la reproduction sous forme de médaille de différentes tailles.
Histoire
Ce moule devait appartenir à une des très nombreuses communautés chrétiennes de l’Afrique Byzancène à l’époque de Saint-Augustin. Les hosties de messe étaient fabriquées avec de la pâte de farine de blé pour donner un pain azyme (sans levain) semblable à celui partagé par le Christ à la Cène, le jeudi Saint, quand il institua l’Eucharistie.
Cette forme ronde existait dès avant le IVème siècle (Saint Epiphane). Le Concile de Tolède (639) confirmait que le pain devait être « petit (modica oblata), entier, net et fait exprès ».
Au cours de la messe, quand l’assemblée des fidèles était importante, plusieurs pains étaient consacrés à la fois, pour être partagés ensuite entre les fidèles. Ces pains-hosties étaient toujours marqués d’un signe chretien distinctif qui devint généralement, par la suite, une croix ou un chrisme. Le présent exemple est exceptionnel par l’originalité et la beauté de son dessin. Cette image montre à quel degré de civilisation et de foi étaient parvenus les chrétiens d’Afrique avant l’invasion musulmane.
Explication des symboles
Le Cerf : le psaume suivant s’applique parfaitement à l’image : « Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, ita desiderat anima mea ad te Deus ». De même que le cerf aspire à la fontaine des eaux, de même mon âme aspire à Toi, mon Dieu (Ps 41, 2). Le cerf altéré est le symbole de l’âme pieuse assoiffée de la comunion, car il ne faut pas séparer de ce verset, le verset suivant : « Sitivit anima mea ad Deum fortem vivum ». Mon âme a soif du Dieu fort, du Dieu vivant. Toujours vivant dans l’eucharistie par sa présence réelle, en attendant de le contempler face à face « quando veniam, et apparebo ante faciem Dei ».
Dans le cas présent le cerf représente aussi le Christ lui-même que nous devons imiter, car c’est de la bouche même du cerf que sort le premier mot ‘Ego’ des paroles de Notre Seigneur. La petite croix qui ouvre et ferme la phrase, rappelle, si c’était nécessaire, qui est l’auteur de la phrase. Il ne faut pas oublier non plus qu’une des dernières paroles de Jésus sur la croix a été « J’ai soif », quand il aspirait à rejoindre son Père. Sommes-nous tourmentés par cette soif et cette faim de Dieu ? Ce désir de Dieu ?
L’arbre : cet arbre signifie le voisinage de l’eau, source de vie dans le désert. Dans l’Ecriture, au livre de la Genèse (II, 9) sont mentionnés l’arbre de la Science du Bien et du Mal (interdit à nos premiers parents) et l’arbre de la Vie qui donne à l’homme l’immortalité. Les pères de l’Eglise ont souvent comparé l’arbre de la Vie à l’arbre de la Croix, qui nous a rendu la vie perdue par la faute d’Adam. Jésus-Christ, qui pend à la croix, est le vrai fruit de vie, et les chrétiens le mangent dans l’Eucharistie où il est pour eux gage d’immortalité. Le bois vivant du paradis nous a donné la mort, afin que le bois mort du Calvaire nous donnât la vie (Dictionnaire de la Bible).
Ce symbolisme était répandu depuis des siècles dans la chrétienté, puisque déjà Origène (II-IIIème siècle) commentant Saint Paul (Rm VI, 5), écrivait dans une épitre aux Romains : « Le Christ sur lequel nous devons être entés, et, par un nouveau et admirable don de Dieu, la mort du Sauver devient un arbre de vie ».
Les deux plantes : la plante qui est au dos du cerf, représente une grappe de vigne, symbole du vin (Sang du Christ). L’autre représente très vraisemblablement une plante céréale symbole du pain (Corps du Christ). Ainsi les deux substances de l’Eucharistie seraient représentées dans cette figure, encadrant le cerf symbole du Christ.
L’inscription : « + Ego sum Panis vivus qui de caelo descendi ». Je suis le Pain vivant descendu du Ciel. C’est la plus belle expression que l’on puisse trouver du dogme de la Présence réelle dans l’Eucharistie, de la Transsubstantiation, émouvante à retrouver après quinze siècles, et confirmant la continuité de notre doctrine catholique, malgré les hérésies qui sans cesse ont voulu l’attaquer sur ce point, au cours de l’histoire.
Qu’est-ce que la transsubstantiation ? Ce dogme s’est explicité peu à peu chez les Peres de l’Eglise qui n’ont pas laissé de signaler, dès le début l’existence d’un changement dans la substance de l’Eucharistie, et même de la qualifier. Ils n’ont pas cessé d’affirmer et de répéter, au nom de la foi, que le pain n’est plus du pain, quoiqu’il paraisse encore du pain, que c’est le Corps réel du Christ. De même pour le vin et le Sang du Christ. L’expression complète de ce dogme affirmé depuis toujours a été fixée définitivement par l’Eglise, notamment au Concile de Trente (Sess.XII, can. 2), mais les textes des Peres de la primitive Eglise orientent déjà nettement la pensée chrétienne vers l’idée de transsubstantiation, ils créent un langage qui porte en sa plénitude ce dogme, si bien résumé ici par l’image et l’inscription de l’hostie.
A la source de l’Eglise
« Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, ita desiderat anima mea ad te Deus ». L’âme pieuse, ainsi symbolisée par le cerf dans ce beau verset Psaume 42, est également pressée de boire à la source de l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique, chemin vers Dieu, que les Peres de l’Eglise d’Afrique nous font connaitre et aimer davantage.
Ainsi Saint Cyprien de Carthage disait : « Le pain de vie c’est le Christ, et ce pain n’est pas à tous, mais à nous, chrétiens. Nous disons Notre Père, parce que Dieu est le père des croyants, de même nous disons notre pain, parce que le Christ est notre nourriture, à nous qui mangeons son corps. Or, nous demandons que ce pain nous (213) soit donné chaque jour; car notre vie est dans le Christ, et l’Eucharistie est notre nourriture quotidienne. Si donc, par suite de quelque grave faute, nous étions privés de la participation au pain céleste, nous serions,, par cela même, séparés du corps du Christ. Écoutez sa parole : Je suis le pain de vie descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je lui donnerai c’est ma chair que je livre pour le salut du monde. (Joan., VI) D’après cette parole, il est évident que ceux qui mangent le pain eucharistique et reçoivent dans la communion le corps du Sauveur vivent éternellement Par suite, en s’éloignant du corps de Jésus-Christ, on doit craindre de s’éloigner de la voie du salut. D’ailleurs la parole du maître est formelle Si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Ainsi donc nous réclamons notre pain quotidien, c’est-à-dire le Christ, afin que nous, dont la vie est dans le Christ, nous demeurions toujours unis à sa grâce et à son corps sacré »(De dominica oratione, n.8).
« Par là encore se trouve figurée l’unité du peuple chrétien : de même que des grains multiples réunis, moulus et mêlés ensemble, font un seul pain, ainsi dans le Christ qui est le pain du ciel, il n’y a, sachons-le bien, qu’un seul corps, avec lequel notre pluralité est unie et confondue » (Epist., 63, 13-4).
Et Saint Augustin ajouté encore : « Ce pain vous indique comment vous devez aimer l’unité. Ce pain est-il fait d’un seul grain ? N’y avait-il pas un grand nombre de grains de froment ? Efforcez-vous à être vraiment le Corps du Christ… car il faut de multiples grains pour qu’il soit fait un seul pain, il faut de multiples grappes pour que coule un seul vin. O mystère de la bonté ! O signe de l’unité ! O lien de la charité ! » (Tract. In Joan. XXVI).