Le chrisme est un symbole chrétien formé des deux lettres grecques Χ (chi) et Ρ (rhô), la première apposée sur la seconde. Il s’agit des deux premières lettres grecques du mot Χριστός (Christ). On le lit aussi parfois comme le monogramme du Christ, et on le trouve souvent accompagné des lettres α (Alpha) et ω (Oméga). Ces lettres, qui encadrent l’alphabet grec, symbolisent la totalité: le commencement et la fin.
Le chrisme existe aussi sous une autre forme associant les lettres grecques I (iota) et Χ (chi) des initiales de Ἰησοῦς Χριστός (Jésus-Christ). Le chrisme prend alors l’aspect d’une étoile à six rais souvent identifiée dans l’art à l’étoile qui guida les mages. On en trouve encore en Orient, plus spécifiquement dans la partie orientale de l’ancien Empire romain. Selon Leclercq et Cabrol, si nous étudions les inscriptions les plus anciennes sur lesquelles se voit le monogramme, nous ne pouvons nous soustraire à l’évidence que ce symbole a été primitivement employé, non comme une sorte d’affirmation triomphale du Christ, mais simplement comme une abréviation, une «ligature» de lettres. Sur ce point, disent-ils, les exemples abondent, mais il est indispensable de les transcrire afin de ne laisser aucune place au doute[1].
C’est Constantin qui est à l’origine du premier vrai signe de la croix se référant directement au Christ: le chrisme, ou monogramme. On est en effet, très bien renseigné sur l’origine de ce signe, ce qui est rare, car les images ne nous disent en générale rien sur leurs origines. La Vita Constantini, rédigée par Eusèbe après la mort de l’empereur (337), en quatre livres, contient le récit sans doute le plus populaire de tous les travaux d’Eusèbe (I, 28-31): l’apparition de la croix avant la bataille contre Maxence, au pont Milvius, à Rome. Constantin lui-même avait raconté que, vers midi, il avait prié le Dieu chrétien pour qu’il lui donne la victoire. Une croix lumineuse lui serait alors apparue dans le ciel, au-dessus du soleil du Topaion[2], accompagné de ces mots: «In hoc signo vinces» (par ce signe tu vaincras). Mais comme il n’avait pas immédiatement compris le sens de l’apparition, le Christ lui serait apparu en songe et lui aurait ordonné de reproduire le signe qu’il avait vu apparaître, pour en faire un signe de ralliement de ses troupes. Ce fut le labarum, croix recouverte d’or, surmontée d’une couronne en or et en pierres précieuses entourant le X et le P. Sur la partie transversale pendait une pièce de pourpre carré, brochée de fils d’or et ornée de pierres précieuses éclatantes[3].
C’est à partir du 324 que ce labarum deviendra l’étendard de tout l’empire de Constantin. Et c’est aussi à cette époque que ces deux monogrammes furent frappés sur certaines monnaies des principaux ateliers de Constantin, que furent édictées les lois: 1. Qui délivraient les célibataires et par suite le clergé catholique de l’état d’infériorité où les plaçait la loi romaine; 2. Qui facilitaient l’affranchissement des esclaves par l’Eglise; 3. Qui autorisaient les testaments en faveur de l’Eglise; 4. Qui consacraient au repos le jour du dimanche. Pendant les mêmes années, le monogramme ne paraissait pas sur les monnaies des ateliers d’Orient demeurés au pouvoir de Licinius qui persécutait les chrétiens.
C’est donc après que les évènements eurent donné au symbole une valeur en quelque sorte officielle, après que les monnaies en eurent répandu le type un peu partout que nous devons nous attendre à le rencontrer sur les monuments, comme nous le voyons dans les en-têtes de ces épitaphes chrétiens.
Le chrisme est donc un important symbole de l’Eglise primitive.
[1] Cf. Voix Chrisme dans le dictionnaire d’archéologie et liturgie chrétienne de Dom Cabrol et Leclercq, pp. 1482- 1534.
[2] Le tropaion était depuis les temps les plus anciens un bâti en forme de T que l’on érigeait en signe de victoire à l’endroit où, lors de la bataille, l’ennemi avait pris la fuite. On accrochait des armures prises à l’ennemi aux bras du T. C’est pourquoi, en raison de sa forme et de sa signification, il fut l’objet d’un transfert sur la croix du Christ.
[3] Cf. DROBNER, Hubertus, Les Peres de L’Eglise, sept siècles de littérature chrétienne. Traduction française Desclée 1999, p. 257-258.