ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE DE CARTHAGE (III)

LES THERMES D’ANTONIN

LE QUARTIER DE DERMECH

 Thermes d'Antonin

Schéma de situation des monuments chrétiens dans le parc des Thermes d’Antonin à Carthage

(Quartier de Dermech).

Eglise 1 : Basilique byzantine.

Eglise 2 : Eglise de Dermech II.

Eglise 3 : Basilique de Marina.

Eglise 4 : Kardo XIII, basilique ? Détruite par les fouilles de Gauckler.

Chapelle d’Asterius Kardo XV.

Basiliques chrétiennes aux Thermes d’Antonin

Les basiliques se trouvent actuellement dans le parc archéologique des Thermes d’Antonin[1]. L’exploration de ce quartier, le seul fouillé avec continuité, a été réalisée par Paul Gauckler entre les années 1899 et 1902. Gauckler avait fouillé et préservé, contrairement à son habitude pour les monuments romains et byzantins, la basilique byzantine. Au Sud-Ouest de la « basilique byzantine », les fouilles de 1942 ont fait connaitre une église (Dermech II) incomplète et mutilée par les recherches préalables de Gauckler et finalement les dernières recherches menées dans le secteur nous ont permis d’identifier en 1955 encore une basilique imposante mais en très mauvais état (aujourd’hui elle est disparue), dédiée probablement à Marina, derrière les grandes latrines des Thermes d’Antonin.

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Rappelons pour les visiteurs et pèlerins que la chapelle souterraine d’Asterius a été transférée, provenant du sous-sol du lycée présidentiel, à Carthage.

Sans compter la basilique détruite par Gauckler et la chapelle, la densité des édifices chrétiens est tout à fait impressionnante. Il fut appelé par les archéologues « groupe épiscopal » : Ce groupe peut contenir plusieurs églises, un baptistère, des espaces de circulation, des lieux de résidence, des espaces d’accueil pour les pèlerins et les pauvres. Tout ce quartier semble d’ailleurs avoir été remanié au Bas-Empire et à l’époque byzantine, car les maisons pourvues de pavements de cette période du IVe-VIe siècles y sont nombreuses.

1-Basilique ou Cathédrale Byzantine (IVe-Ve s.) 

Le plan de Gauckler-Sadoux, fait de ce monument le plus connu de la Carthage chrétienne. Cette église située dans le parc des Thermes d’Antonin, est dotée d’une nef centrale, quatre bas cotés et neuf travées avec une abside à l’est. De 21 m de large sur 35,50 m de long, elle a une superficie de 750 m2. Ce qui est actuellement visible appartient à l’époque byzantine. (A gauche de l’entrée du site archéologique des Thermes d’Antonin). Au nord de ce monument, un ensemble baptismal et une chapelle ont été aménagés (ayant sans doute servi de martyrium : lieu où l’on rendait un culte aux saints martyrs).

Eglise thermes d'Antonin

Les murs peu épais en « opus africanum » devaient supporter une charpente et un toit en tuiles à double pente. Les murs étaient plaqués de marbre. Les colonnades offrent des fûts divers récupérés dans les édifices antérieurs. L’abside surélevée, était entourée d’un banc en pierre. L’autel se situait au milieu de la nef, entouré par des colonnettes d’un ciborium. La mosaïque du « quadratum populi », offre des motifs géométriques. L’ensemble baptismal situé sur le flan nord de l’église, large de 12 m et long de 10 m, était composé de citernes, et d’une cuve hexagonale avec un gradin inférieur circulaire. Il était plaqué de marbre. Deux escaliers permettent encore d’y descendre, quatre colonnes de marbre devaient supporter le baldaquin et douze colonnes constituaient un carré devant être la base d’une ouverture. L’édifice baptismal s’ouvrait sur une chapelle annexe utilisée souvent pour les rites complémentaires du baptême.

 Eglise visite archeologique

(Le P. Silvio Moreno en visite archéologique à la basilique byzantine)

Chronologie et identification de cette église : la forme des croix sculptées sur les quelques éléments d’architecture façonnés de l’église, le plan du chœur, le synthronos (siège épiscopal) de la petite chapelle, le type de la cuve baptismale témoignent des origines byzantines de l’édifice. De plus le décor et le coloris des mosaïques, très homogènes, renforcent cette origine. On regrettera que cette ruine n’ait pas été entretenue pendant longtemps et qu’on ait dispersé le matériel.  Il s’agit peut-être là de l’une des cathédrales de la cité.

Note sur les baptistères des églises paléochrétiennes. Les baptistères ont été construits à une époque où l’Église baptisait un nombre important de catéchumènes adultes, et pour qui le baptême par immersion était la règle. Du IVe siècle jusqu’au début du VIe siècle, les fonts baptismaux étaient disposés sous le porche de l’église, ou dans l’église elle-même. Les baptistères étaient fréquemment de grande taille. Après le IXe siècle, lorsque le baptême des nouveau-nés est devenu la règle, peu de baptistères sont construits.

Dans l’Église primitive, c’est habituellement l’évêque en personne qui baptise les catéchumènes de son diocèse (raison pour laquelle les baptistères sont habituellement rattachés à une cathédrale et non à une église paroissiale). Ce rite ne pouvait se tenir que trois fois par an. Quand il ne servait pas, les portes du baptistère étaient scellées du sceau de l’évêque, afin de contrôler l’orthodoxie de tous les baptêmes du diocèse.

Quelques baptistères ont deux bassins, ou certaines églises ont deux baptistères, un pour chaque sexe. Une cheminée est souvent présente pour réchauffer les néophytes après l’immersion.

Pour notre réflexion sur l’importance du baptême aux premiers siècles, nous pouvons lire et méditer ce beau texte qui fait partie d’une homélie de Saint Augustin aux nouveaux baptisés le deuxième dimanche de Pâques : « Ceux qui sont renés dans le Christ, c’est à vous que je m’adresse, enfants nouveau-nés, vous qui êtes des tout-petits dans le Christ, la nouvelle génération mise au monde par l’Église, le don du Père, la fécondité de la Mère, de tendres bourgeons, la fleur de notre fierté et le fruit de notre labeur, ma joie et ma couronne, vous qui tenez bon dans le Seigneur. Je vous adresse les paroles de l’Apôtre : Revêtez Jésus Christ et ne vous abandonnez pas aux préoccupations de la chair pour satisfaire vos convoitises, afin de revêtir par votre vie ce que vous avez revêtu par le sacrement. Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Telle est la force du sacrement : il est le sacrement de la vie nouvelle, qui commence maintenant par le pardon de tous les péchés passés, et qui trouvera son accomplissement dans la résurrection des morts.  ~C’est aujourd’hui l’octave de votre naissance; aujourd’hui s’accomplit en vous le sceau de la foi qui était conféré chez les anciens Pères avec la circoncision de la chair qu’on faisait huit jours après la naissance charnelle. ~ C’est pourquoi le Seigneur en ressuscitant a dépouillé la chair mortelle ; non pas qu’il ait surgi avec un autre corps, mais avec un corps qui ne doit plus mourir ; il a ainsi marqué de sa résurrection le « jour du Seigneur ». C’est le troisième jour après sa passion, mais dans le compte des jours qui suivent le sabbat, c’est le huitième, en même temps que le premier. C’est pourquoi vous-mêmes avez reçu le gage de l’Esprit, non pas encore dans sa réalité, mais dans une espérance déjà certaine, parce que vous possédez le sacrement de cette réalité. Ainsi donc, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire ».

 2- Basilique de Marina

Ce monument est en très mauvais état et malheureusement on n’en distingue plus les deux absides, prises au moment des fouilles pour de simples chapelles funéraires. Mais ce sont principalement les proportions de l’ensemble et les deux absides qui se font face, exactement dans l’axe, qui nous permettent de penser à une basilique. Le seul vestige intéressant est une tombe recouverte d’un couvercle de mosaïque, qui se trouvait dans l’abside occidentale et qui est exposée dans le musée en plein air. Le style et les couleurs de la mosaïque permettent de l’attribuer à l’époque byzantine. C’est donc un point de repère pour la date de la construction de l’abside, forcement antérieur à la tombe. L’épitaphe de la chrétienne Marina n’indique pas pour quelle raison on a affecté à sa sépulture cette place privilégiée.

 3- La chapelle d’Asterius

Cette chapelle funéraire a été retrouvée sur le site qui est aujourd’hui celui du Lycée présidentiel. Il y avait là une autre chapelle funéraire dite « de Redemptus », un baptistère et probablement une église. Elle a été reconstruite dans le parc des Thermes d’Antonin. Elle est de petites dimensions (4x6m). Elle est ainsi désignée à cause du nom sculpté sur l’une des inscriptions remployées dans le revêtement d’une marche qui permettait l’accès vers l’abside;  devant laquelle se trouve une mosaïque représentant deux paons de part et d’autre d’un calice, symboles de l’immortalité et de l’eucharistie. Cela représentait l’entourage spirituel du défunt chrétien : l’union dans l’eucharistie et l’espérance en la résurrection des morts. La sépulture unique est placée dans la nef, à l’écart de la circulation, signalée par une épitaphe disparue. La chronologie cependant est assurée par la découverte effectuée sous le pavement d’Asterius, des monnaies de Maurice Tibère (dont une datée de 587) et donc aussi de l’époque byzantine. Ce type de mausolée isolé en forme de chapelle funéraire est connu à Rome, mais il n’était pas encore représenté en Afrique par des exemples aussi complets et précisément datés.

Chapelle d'Asterius 1 Chapelle d'Asterius 2

(Intérieur de la chapelle et détail de la mosaïque)


[1] Les Thermes d’Antonin furent édifiés en bord de mer entre 145 et 162. Ce complexe constitue l’ensemble thermal le plus important de Carthage. Des installations d’origine, il ne demeure que quelques vestiges du rez-de-chaussée, constitués par les espaces de service, à proximité du rivage. Les Thermes ont servi de carrière de pierres pendant des siècles, et on leur doit quantité de monuments à Tunis et dans de nombreuses villes du nord du bassin méditerranéen, comme Pise. Les ruines s’étendent sur plus de 200 mètres, le long du littoral. L’anastylose d’une colonne du frigidarium par une mission archéologique tunisienne pendant la campagne internationale menée par l’Unesco (1972-1992) donne une idée de la magnificence des lieux à l’apogée de la ville romaine, les voûtes disparues s’élevant à une hauteur supérieure à 29 mètres, c’est-à-dire l’équivalent d’un immeuble de six étages.

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