ARCHÉOLOGIE MARIALE ET LE P. DELATTRE

https://i0.wp.com/www.mafrome.org/archives/pere_delattre.jpg?w=980Arrivé à Carthage dans les premiers jours de novembre 1875, le Père Delattre fut chargé tout particulièrement de donner ses soins aux indigènes malades qui venaient à Saint Louis ou qu’il allait visiter dans leur pauvre demeure. Pour lui prouver leur reconnaissance, ceux-ci lui apportaient des inscriptions ou des objets qu’ils avaient recueillis dans leurs champs. Ainsi naquit le Musée Lavigerie mais qui porte aujourd’hui le nom de Musée de Carthage. D’autre part, le Père Delattre ne tardait pas à fouiller « patiemment le sol » avec une « méthode excellente et un zèle infatigable », selon les propres expressions de M. Héron de Villefosse.

C’est surtout la « Carthage chrétienne » qu’il fait, pour ainsi dire, revivre sous nos yeux, avec son amphithéâtre où les chrétiens furent dévorés par les bêtes, et ses plus belles basiliques, dont l’une, la « Basilique majeure » qui gardait dans la « confession », les corps sacrés des plus célèbres martyrs de Carthage, Sainte Perpétue et Sainte Félicité. C’est aussi dans cette basilique que prêcha plusieurs fois Saint Augustin.

Des trois basiliques que la piété des fidèles de Carthage avait dédiées à leur grand évêque, Saint Cyprien, le Père Delattre, semble-t-il en a retrouvé deux : celle qui était située près de la mer, et celle qui s’élevait au lieu même de son martyre. C’est encore à lui que l’on doit la découverte de la basilique de Bir-el-Knissia (peut-être la basilique de Saint Agilée dont parle Ferrand, diacre de Carthage, dans la Vie de Saint Fulgence, évêque de Ruspe) et la grande basilique de Damous el-Karita dont il a trouvé l’image qui nous intéresse maintenant : N.D. de Carthage.

Par ces découvertes, le P. Delattre a montré combien peu fondées étaient les assertions de certains archéologues qui prétendaient qu’il n’était plus possible, après des siècles de dévastations et de ruines, de retrouver des vestiges de la Carthage chrétienne. Il a fait connaître ses découvertes dans un grand nombre de publications, la plupart illustrées; leur nombre s’élevait en janvier 1932, à 235.

Citons parmi les plus intéressantes :

La basilique voisine de Sainte-Monique.

L’area chrétienne et la basilique de Mcidfa.

La basilique de Bir-el-Knissia.

Saint Louis et sa dévotion à Marie.

Sceau du pape Honorius, Sceau de Jean, diacre de Blakeries.

La présentation du Cœur de Jésus dans l’art chrétien.

Les symboles eucharistiques.

Le culte de la Sainte Vierge en Afrique.

Carthage mariale. Dix années de trouvailles.

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Mais surtout les travaux archéologiques sur la Vierge Marie pendant 25 ans du P. Delattre furent jugés précieux et on invita le Père à aller les présenter au Congrès Marial de Rome le 8 Décembre 1904. Ses communications[1] intéressèrent si vivement le Cardinal Rampolla qu’il encouragea le Père Delattre, pour continuer ses travaux sur les antiquités se rapportant au culte de la Sainte Vierge.

Ainsi le Congrès Marial de Rome fut, pour l’archéologue et le fidèle serviteur de Marie, le point de départ d’une activité inlassable et d’une orientation nouvelle, car il ne se contenta plus de scruter les signes de la dévotion à la Vierge dans le passé, il s’efforça encore de faire vénérer la Sainte Mère de Dieu par ses paroissiens et les pèlerins de Carthage. Il le déclare lui-même : « Je rentrais de Rome à Carthage avec la résolution de porter plus que jamais mon attention sur toute trouvaille mariale ».

De suite, avec ardeur, il se mit au travail, et deux ans après le Congrès Marial de Rome, en 1907, paraissait son ouvrage : «Culte de la Sainte Vierge en Afrique, d’après les monuments archéologiques». 

Depuis cette date jusqu’à sa mort en 1932, le serviteur de Marie, avec patience et ténacité, tint sa promesse et enrichit chaque année la collection d’antiquités mariales qui firent l’objet d’une quinzaine de publications et de rapports aux congrès mariales de Saragosse, de Trèves, et du Puy.

La résolution prise par le Père Delattre au Congrès Marial de Rome: « de ne négliger aucun objet pouvant porter témoignage de la piété antique envers Marie » n’exprimait que la première partie de son plan d’activités. La seconde, il nous la manifeste dans l’épilogue de son livre Le culte de la Sainte Vierge : « Nous serons grandement satisfait si notre travail peut aider à atteindre ce résultat. Nous le serons davantage encore s’il contribue à faire vénérer et aimer Marie, à la faire honorer et à attirer les faveurs de sa bienveillante et maternelle protection sur Carthage et sur l’Église d’Afrique… »[2].

Et quelques pages plus loin, il nous confie que: « Déjà de nombreux ex-voto témoignent que Marie aime à exaucer les prières qui lui sont adressées par les fidèles, dans sa chapelle de la Cathédrale (de Carthage) ». Et il ajoute aussitôt, comme l’expression de son désir le plus ardent : «…ces témoignages spontanés de reconnaissance, semblent indiquer que la Sainte Vierge veut être honorée d’une façon spéciale sur cette colline de Byrsa, qui fut durant de longs siècles, à l’époque romaine comme à l’époque carthaginoise, le centre du culte des faux dieux »[3].

A la dernière page de son ouvrage, comme pour le couronner, le Père Delattre manifeste clairement et totalement ses pieuses intentions pour la gloire de Marie. Pour la première fois en cette année 1907, il désigne Marie par le vocable : Notre Dame de Carthage et sous la plume de celui qui fut le promoteur de la dévotion à Notre-Dame de Carthage, nous trouvons les expressions de « Sanctuaire Marial  » et de « Pèlerinage ». Voici ce beau passage: « Notre-Dame de Carthage, entourée d’hommages là ou jadis des mères sans entrailles immolaient leurs enfants à l’ignoble Moloch ou l’infâme Tanit et la déesse Coelestis avaient des adorateurs… Notre-Dame de Carthage honorée d’un culte vraiment populaire là ou jadis Marie, sous le titre de Theotokos (mère de Dieu) était vénérée dans la chapelle du palais des gouverneurs by­zantins : les pèlerins n’auraient-ils pas toute confiance en Marie sur cette colline ou mourut Saint Louis et dans la majes­tueuse Église qui porte son nom ?»[4].

Par les témoignages recueillis nous pouvons affirmer que jusqu’à sa mort en 1932, le Père Delattre n’a cessé, avec le plus grand zèle, de poursuivre son double idéal, entrevu à Rome au Congrès Marial de 1904 : relier le présent au passé, sous le signe de la Sainte Mère de Dieu. Il a travaillé en missionnaire pour que les catholiques de son époque, ceux du présent et ceux du future ne laissent pas s’éteindre la dévotion mariale si florissante à Carthage durant les premiers siècles du christianisme.


[1] Sur le bas-relief de la Vierge, les statuettes, les carreaux les plombs de bulle portant l’effigie de la Vierge et des invocations, etc…

[2] Delattre, Louis, Le culte de la Saint Vierge en Afrique, Paris, 1907, p. 220.

[3] Ibidem, p. 227.

[4] Ibidem, p. 228.

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