Seigneur, j’aime la maison où Tu fais Ton séjour,
et le lieu où habite Ta gloire (Psaume 25)
Célébrer le 67ème anniversaire de la Consécration de la Cathédrale de Tunis nous semble une bonne occasion pour donner une brève note sur la signification symbolique de ce rite.
En effet, notre monde moderne ne comprend plus la réalité du symbolisme chrétien, langage sacré et universel et moyen de réalisation spirituelle. Souvent on le regarde comme un vestige d’une mentalité « primitive », cependant la question du symbolisme dépasse tous les âges pour toucher finalement la réalité contemporaine de chaque chrétien pour l’animer et le soutenir dans son pèlerinage en ce monde.
La «dédicace» des Temples peut se définir comme «une action sainte ou plutôt un ensemble d’actions saintes et solennelles, déterminées par l’Eglise et dont l’effet est de rendre un édifice, sacré de profane qu’il était, dédié pour toujours à Dieu et à son culte, par un ministre légitime, afin que dans cet édifice on puisse accomplir les fonctions divines et ecclésiastiques»[1].
Certains se demanderont peut-être pourquoi nous employons le mot temple, et non le mot Eglise pour désigner l’édifice sacré. Il y a pour cela plusieurs raisons, parmi lesquelles une qui semble être la plus décisive : le mot templum est le seul employé dans la langue liturgique pour désigner le lieu saint ; d’ailleurs, le rituel de la consécration établit un parallèle constant entre le temple chrétien et le temple de Salomon. Au surplus, le terme de temple à l’avantage d’évoquer, mieux que celui d’église, la demeure de la Divinité ; ainsi, il répond mieux à la nature même de l’édifice, magnifiquement définie dans une antienne du rituel de la consécration : « Le Seigneur a sanctifié sa demeure. C’est ici la maison de Dieu : on y invoquera son nom, car il est écrit : Mon nom habitera ici ».
Primitivement, dans l’antique liturgie romaine, toute la cérémonie consistait dans la consécration d’un autel dressé sur le tombeau d’un martyr et dans la célébration solennelle de la messe sur cet autel.
Dédier un temple (dedicare en latin) était en quelque sorte l’inaugurer en l’appliquant pour la première fois à l’usage auquel il était destiné. C’est ce que saint Augustin appelle l’ «encœnia festivitas»[2], proprement, initier, placer un objet dans l’endroit qui lui est destiné.
En 1953, la Cathédrale de Tunis, Saint Vincent de Paul et Sainte Olive, a 56 ans d’existence et pourtant elle n’est pas encore consacrée. Ainsi cette consécration est le point d’aboutissement de toute une histoire.
Mgr Gounot, archevêque de Carthage et Primat d’Afrique, décide de fixer cette cérémonie le 23 mai. Le 22 au soir, le coffret contenant les reliques de saint Vincent de Paul, de saint Cyprien et de sainte Restitute, qui doivent être scellées dans l’autel majeur, sont déposées à la chapelle de l’Archevêché. Le samedi matin, 23 mai, à 7 heures, la cathédrale est complètement vide, les portes sont fermées, seul un diacre garde le sanctuaire.
L’Archevêque, entouré des autres Prélats, Mgr Perrin, Mgr Duval, Évêque de Constantine, Mgr Mercier, Vicaire apostolique du Sahara, Mgr Pinier, Évêque auxiliaire d’Alger, le Père Slattery, supérieur général de la Congrégation de la Mission, se rend à la chapelle de l’Archevêché.
La procession se forme et se rend sur le parvis de la cathédrale où sont chantées les litanies des Saints, à la fin desquelles Mgr Gounot bénit l’eau et le sel. Le Prélat fait ensuite par trois fois le tour de la cathédrale en aspergeant les murs d’eau bénite. Ce rite terminé, les portes s’ouvrent, et l’Archevêque accompagné de ses ministres et du maçon qui doit sceller les reliques dans l’autel, entre dans le sanctuaire. Il procède au rite de la consécration et la messe est chantée par le Père Slattery, supérieur général des lazaristes.
La cérémonie de consécration est présidée par le Cardinal Roques, Archevêque de Rennes et Primat de Bretagne.
Les quelques photos inédites que je vous partage montrent la solennité de cette célébration. Veuillez noter également la beauté du presbytère de notre cathédrale : le maître autel, la statue de Saint Vincent de Paul, la cathèdre de l’évêque, la lumière de l’abside, etc.
[1] Cf. Jules Baudot, « La dédicace des Eglises », Paris 1909, p. 3-4.
[2] Le passage de Saint Augustin est au tract. 48 in Jean. P. L., t. XXXV, col. 174.